Textes

L’Armoire

By 25 janvier 2021 janvier 31st, 2021 No Comments

Dans l’armoire, bien pliés sont les draps entassés en strates ; ils contiennent toutes les philosophies que l’on a lues. Il suffit de s’en envelopper de temps en temps pour se ré-imprégner des pensées du passé. Le passé n’est-il pas un rêve ? Descendre dans les abysses et fouiller à plein cerveau dans cette nuit intense où passent des lumières phosphorescentes chargées de Savoir et de Connaissance. Le Savoir a toujours un doux parfum suranné avec de forts ancrages ; ce sont les archétypes puissants, les fondations solides de la pensée humaine. Tirer profit de ces enseignements, oui le Profit mais dans le sens richesse de l’esprit.

Étagère du dessous avec les sous vêtements, les slips et les chaussettes ; on commence à habiller les personnages ou les acteurs du roman de sa vie. La nudité se pare à ce niveau.

Sur les autres étagères : les mouchoirs pour essuyer les larmes ou les pleurs d’un rire, le front des sueurs de l’Été. Un mouchoir dans une poche c’est rassurant, on aime à le toucher, c’est un refuge intime, celui qu’on peut mettre sur son nez, le masque d’un rhume.

Des accessoires, bretelles désuètes et ceintures où sont marquées les tailles des années de jeunesse ; souvenirs du passé où l’on se voyait beau et élégant dans le miroir. Cravates, nœuds papillons ; ces ornements qui rendent sérieux, celui qui les porte.

Ah ! Les chemises bien pliées, bien rangées, ces cols qui enserrent le cou avec leur corde cravate ; des pendus bien vivants qui se mêlent à la foule des débraillés de la nouvelle société.

Sur le côté de l’armoire, pendent les vestes et costumes pour les diverses pièces du théâtre de la vie. Je m’en vêts pour incarner un personnage en situation, sportif ou très classique, noir sérieux, avec nœud papillon sur col cassé. Il faut que les chaussettes soient assorties à la couleur du pantalon, autrement ce serait une faute de goût. Tout devient esprit, le paraître se confond avec l’être. L’Armoire est la mémoire de celui qui l’habite ; elle a ses petits secrets dans des petites boîtes rangées dans un coin. Il y a, parmi les flacons remisés dans un autre coin, des parfums souvent très vieux qui communiquent un mystère odorant au linge.

Dans le bas, au rez-de-chaussée de cet opus les chaussures dorment souvent dans leur boîte. Il y a celles pour tous les jours et aussi celles pour certaines circonstances comme les escarpins vernis qui vont avec le smoking. Voilà ! Habillé de pied en cape le propriétaire de l’armoire va dans la société des jours heureux ou malheureux. Il est dans la foule hors de l’armoire où d’autres « lui » attendent d’être appelés.