Le pain ; faim, manger ; le manger avec des pensées simples et croquantes. Bénie soit la Nature qui nous a fait cadeau de ces épis blonds qui tous les étés se froissent dans le vent et où se joue la musique de l’Univers.
Pour le pauvre, celui qui a toujours faim parce qu’il ne mange pas assez, un bon gros pain pour lui, c’est la fête ! Ses yeux se sont élargis au-dessus de ses joues maigres, c’est pourquoi il mange d’abord des yeux ce qu’il voit d’appétissant derrière les vitrines. Il sent et se saoule de ces odeurs qui débordent par les portes, surtout celle du pain qui s’échappe du fournil ; il s’assoie et rêve d’opulence.
Le riche, le nouveau riche surtout, s’écarte de la Nature et perd peu à peu de sa sensibilité ; il charge quelqu’un d’autre, pour aller à sa place à la boulangerie. Il mange, avec distraction, un morceau de pain, de ce bon pain fait avec de la farine de blé biologique et jette le reste à la poubelle où iront fouiller les miséreux.
Le Boulanger est tout en rondeur et comme son pain, il est tout soleil. C’est un des magiciens de ce Monde. Il détient plusieurs secrets qui font que son pain n’est pas comme celui de l’autre boulanger. Il ne ménage pas sa peine ; il surveille la pâte, le levain. Demain, avant l’aube il œuvrera dans son fournil ; la farine inerte avec de l’eau, du levain et du sel deviendra la pâte vivante qui lèvera et deviendra pain dans le four en feu. Et le pain nourrira la vie de l’homme. Ne jetez pas le pain ! Partagez-le avec celui qui a faim. Le pain sur fond de farine blanche est comme un lys doré sur fond de toile blanche. Il est noble et bon pour le peuple qui l’attend.
Au fond de la nuit, dans l’azur sombre, brille Antarès gigantesque astre de feu, rouge seigneur, « Toi le Chef » en arabe ! Le boulanger la regarde, sans se douter que cette étoile de la constellation du Scorpion pourrait engloutir tout le système solaire dans sa grande gueule ardente ouverte dans le cosmos ; un des plus beaux et immenses fours de l’Univers !