« Les hommes font l’histoire, mais ils ne savent pas l’histoire qu’ils font. «
Raymond ARON . 1905-1983
« L’être vivant représente bien l’exécution d’un dessein, mais qu’aucune intelligence n’a conçu. Il tend vers un but, mais qu’aucune volonté n’a choisi. Ce but, c’est de préparer un programme identique pour la génération suivante. C’est de se reproduire. «
François JACOB – 17 juin 1920 (Prix Nobel de Physiologie ou Médecine 1965)
« Nous sommes avant tout des individus et après tout des personnes pensantes. »
« Le Fini est la première barrière franchissable, l’Infini est l’ultime barrière infranchissable. »
Michel-Pierre DI ORIO . 7 janvier 1934 😉
Introduction au Sautisme
Il y a moins de 195.000 années environ que naissait l’Homme, l’homo sapiens – le nôtre – dont nous sommes les descendants. Les précédents n’étaient que des hominidés. Ils sont là, sur toute la surface du Globe, leurs ossements mêlés à la terre pour l’Éternité.
Le néocortex (avec sa capacité d’archivage 1500cm³) nous permet d’évoluer scientifiquement mais l’homme demeure aussi primitif qu’à l’époque des hominidés quant a l’aspect morphologique et ses vouloirs profonds.
Sa soif de richesse, de sexe et de pouvoir le pousse toujours aux pires excès envers ses semblables.
Je suis confronté, chaque jour, et, dès que mes sens s’ouvrent sur le Monde, à de multiples perceptions qui semblent se brouiller les unes les autres ; je suis conscient.
Il fut un temps où ma bibliothèque et mes archives avaient une couleur uniformément terne, et, où apparaissaient par endroits quelques dorures comme celles que l’on voit dans les cimetières sur les tombes de ce siècle. À présent tout est couleur dans mon environnement et tout bruisse ; le ronron des engins électriques à l’intérieur et les bruits de l’extérieur se mélangent. Tout est transitoire ; une renommée palpite à peine une heure, un livre vieillit en un jour, une image est fugace, et, la sensation est éphémère. Et, je me recentre constamment, comme le conducteur sur la route, sur le chemin de ma pensée en évitant ces perturbations qui seraient fatales pour mon système nerveux.
Je définis le Sautisme par analogie aux sauts physiques : Ce sont les sauts de l’esprit, de la pensée et des manifestations en tout genre qui s’y rattachent.
Tout s’accélère ou semble s’accélérer depuis quelques décennies. L’humain veut passer d’une situation à une autre situation de plus en plus vite, et, il souhaiterait tout voir, tout vivre, dans l’espace d’un temps qu’il voudrait comprimer. Il veut avoir dans l’heure plusieurs existences. Non rassasié, mais toujours en quête de quelque chose d’autre, il pratique le zapping par son discours et ses moyens. Les clips, mélanges d’images et de sons, démontrent bien le nouvel aspect de sa vision du Monde. Son monde fabriqué de communications allant dans tous les sens, sur des ondes porteuses multiples et denses, comme une toile d’araignée où il serait le point central qui le confine dans un immobilisme paradoxal.
Sauter d’une idée à l’autre, tel est le nouvel exercice de l’intellectuel, alors que dans les temps socratiens on enchaînait les propos, dans une maïeutique accoucheuse d’esprits, souvent lents et dont les effets limités ne dépassaient pas l’espace d’une cité, et, tant qu’un voyageur ne les colportait pas plus loin.
Les sens s’affolent au rythme alternatif des lumières électriques des temps modernes. L’humain oscille par périodes de plus en plus incohérentes et sa pensée en est fortement affectée. La recherche de sensations fortes caractérise les jeunes générations en mal d’équilibre ; la disharmonie imprègne leur gestuelle et leurs propos, le rap disloque leur allure. Déjà dans les arts picturaux du siècle dernier des signes annonciateurs comme, l’impressionnisme, le pointillisme, le cubisme et le non-figuratif stigmatisaient ce passage dans l’accélération sautillante de la pensée et de l’action. L’artiste, en quête de nouvelles inventions de style et de nouvelles propositions de son moi profond, se détachait de la vision classique imposée par d’anciens archétypes. Le Pop’Art, manipulation hétéroclite de matières, de matériels, d’objets, du signifiant à l’insignifiant pour un réalisme exacerbé, met au pinacle « l’artiste choc » qui renie le pauvre pour s’enrichir sur son tas de déchets. Il est heureux que ni « la musique contemporaine », ni les extravagances picturales de traits embrouillés ou de collages disgracieux n’ont empêché tant en musique qu’en peinture la production de belles œuvres mélodieuses et harmonieuses.
Actuellement la rupture est consommée et le paradigme rejeté ; on n’écrit plus sur la pierre, mais le support de l’esprit tend à devenir virtuel et à consommation immédiate. La vitesse de la lumière fascine, et, les galaxies que dévorent nos yeux resteront hors d’atteinte de conquête du pauvre petit humain terrestre qui rêve ; seuls les objets de notre système pourront prochainement être visités, grands sauts pour l’humain, et petits sauts à l’échelle cosmique !
La vertu immobile des puritains, de nos jours, semble figer les structures institutionnelles des États alors que les peuples s’agitent en tous sens et sautillent d’une idée à l’autre. L’homme petit veut grandir par les extensions dont il se dote. Le Petit Poucet a chaussé les bottes de sept lieues pour faire de grandes enjambées dans l’espace de sa planète ; et son pied droit rejoint son pied gauche sur le même point ; il a fait le tour de la Terre instantanément. La friandise est abondante, donc tentante à tout instant et les goinfres s’en empiffrent ; une société d’obèses s’installe dans les pays au PIB montant tandis que d’autres individus se libèrent péniblement de leur graisse. Le yo-yo du poids engendre des alternances atones ou toniques. Les économies mondiales évoluent en dents-de-scie et les profits de certains créent de vastes trous noirs où se perdent corps et biens des entreprises, pourtant nées du génie de l’homme. Les Japonais savent que tout est instable sur notre planète, aussi apprennent-ils à palier leurs humeurs sautillantes par des nouvelles techniques et des sauve-qui-peut sans panique.
Nous sommes dans un continuel échappement ; dans le silence de notre pensée nous sautons d’existence en existence, d’impression en impression, de senti en senti ; d’expression en expression et de réflexion en réflexion. Le Monde est en nous, immense et dense comme au premier BING BANG ; il s’est développé à plusieurs dimensions à l’insu de nos sens, pendant qu’un autre univers installait son immensité tangentielle et infinie. La Vie s’écoule dans un tuyau plus ou moins long rythmée par les saccades des secondes à l’image d’un courant alternatif qui oscille selon des périodes que le cerveau commande. La pression de l’Existence détermine la Force de la Vie et sa valeur. La Lumière avec sa vitesse de Trois cent milles kilomètres à la seconde est la vraie puissance sur laquelle chevauche la Force.
Notre pensée oscille comme le temps, et l’être monte ou descend au gré des baromètres et thermomètres. Il faut apprendre à court-circuiter les dépressions et à utiliser la spirale du stress. Le grand écart n’est pas toujours facile à faire, il vaut mieux sauter parfois. Le sautisme nous sauve de l’immobilisme qui fait de nous une cible parfaite. Nos sens nous habituent à appréhender, dans le même instant, différentes perceptions et souvent nous semblons l’ignorer. Pour certains, la connaissance de notre être paraît secondaire alors qu’elle est primordiale ; elle nous apporte de surcroît l’ouverture sur d’autres mondes que le nôtre. Le cerveau contient 100 milliards de neurones et 1 million de milliards de synapses ; toutes nos perceptions, nos sensations filtrées par nos sens, toutes nos réflexions, tout le travail conscient et inconscient qui élabore notre Pensée modèlent sans cesse notre cerveau en établissant des circuits à la vitesse de la lumière. Je suis, nous sommes êtres humains faits des quatre éléments primordiaux que contiennent tous les objets de l’Univers. La plasticité de notre cerveau nous permet d’évoluer et de progresser de mutation en mutation dans le temps de notre existence ; de saut en saut.
1 – L’Apprentissage
Dans les temps anciens l’apprenti s’exerçait, auprès du maître, à un métier en répétant les mêmes gestes que lui inculquait son maître. Tout était question de tour de main pour en arriver à un geste juste, habile et presque parfait, pendant que l’intelligence permettait d’engranger les techniques des calculs nécessaires aux proportions de l’œuvre. Ainsi celui qui fabriquait une roue de charrette ou de carrosse, à l’identique du maître, devenait son compagnon. Et bien plus tard il acquérait la notoriété de maître. Dans tous les corps de métier le processus était le même, il n’y avait pas d’école d’enseignement des métiers ; il fallait passer par l’apprentissage ou alors être piocheur, pelleteur ou porteur à vie. Souvent on naissait, grandissait, travaillait et mourait chez soi ou pas très loin de la cité ou de la campagne dont on était issu. Les transmissions de métiers se faisaient généralement de famille à enfant, de père à fils et aussi de maître à apprenti, ce qui assurait une bien meilleure qualité de la transmission. À chacun son métier car il était dit « trente six métiers, trente six misères ».
La qualité, la renommée se faisait à l’ancienneté. Les « Maisons », les Fabriques, les factories, les négociants voire quelques échoppes s’enorgueillissaient de la date de leur création, bien en vue au-dessus de leur porte. L’établissement qui faisait date, faisait également confiance (Depuis 1803 ou autre date) Et pour peu qu’un blason figurât au haut du porche, tout devenait indiscutable.
Les petits métiers se multipliaient et il y avait pléthore de spécialistes. L’outil à main était roi et l’homme dominait la matière.
Actuellement, en l’an 2002, l’apprenti est ce vague étudiant qui dans des groupes de plus en plus nombreux et informes capte moins bien l’enseignement d’un maître qui parfois n’a pas la foi et la flamme nécessaire pour transmettre un savoir, lui-même ayant été promu à la hâte et souvent peu formé pour la tâche qui lui est confiée. On saute d’une dénomination à une autre, l’instituteur devient Professeur des écoles ce qui permet de redorer le blason de cet enseignant dont l’école est toujours régie par la Commune, donc sans grandeur auprès des « vrais » professeurs régis par des instances plus importantes qui sont le Conseil Général et le Conseil Régional pour les Collèges et Lycées. Tout est leurre et illusion ; des hommes d’hier, passant le flambeau à ceux d’aujourd’hui, savaient, depuis le IVe siècle av. JC, que « la République » de Platon dépeignait bien les sociétés à venir, mais ces lectures n’intéressent que de rares chercheurs en lecture ; cette lecture venant du fond des siècles nous propulse paradoxalement bien en avant de notre temps, nous faisant faire un grand saut dans l’Ailleurs des concepts encore peu connus. Certains choisissent les petits sauts de l’esprit et font quelques pas banals dans leur journée. D’autres reculent pour mieux sauter et parfois rate leur saut. L’apprentissage est à ce prix, il faut sans cesse s’exercer et remettre souvent vingt fois l’ouvrage sur le métier. Répéter les mêmes petits gestes, faire sautiller ses doigts habilement, s’armer du bon outil pour enlever copeau après copeau et faire émerger la forme que l’on a pensée.
2 – Le Compagnon
L’empreinte de l’humain, dans la matière, se perçoit par sa forme ou la marque d’un outil. La modification de la Nature est souvent le signe du passage de l’homme, elle s’accélère actuellement.
Nous savons aussi que l’écriture, le dessin, l’image, la photo, toutes ces choses inertes mais parlantes bougent à présent avec frénésie. L’homme a voulu animer toutes les projections de son imagination, et tout s’est mis à sautiller. Les supports ont été la pierre et le bois, puis toutes les matières animales et végétales, et, le génie de l’homme progressant, le papier, les métaux, le verre, les plastiques et d’autres matières issues de sa chimie ; le virtuel innove avec de nouveaux procédés, et l’hologramme s’annonce à l’horizon. L’homme essaie d’aller plus vite et son cerveau s’affole, il fait des aller-retour en passant d’une idée à l’autre, dans la comparaison et la contradiction. Pour maîtriser tout ce qu’il entreprend il lui faudra se transformer en tant qu’être ; sa capacité, certes, à imaginer, inventer, réaliser n’a pas de limite mais la gestion de ses œuvres de plus en plus gigantesques, où des techniques nouvelles ont été élaborées pour les réaliser, demande que son intelligence soit assistée afin que tout tienne debout et ne s’écroule pas prématurément. Le vieil homme doit mourir pour renaître Homme nouveau, encore plus fort, pour pénétrer encore plus loin dans la Connaissance, transporté par la lumière qui lui vient de son père, de son Dieu, le Soleil. Il doit apprendre à se mouvoir différemment dans l’espace-temps terrestre en respectant la grande loi de la Nature qui veut que tout est un, puis se diversifie pour revenir à l’unité ; c’est l’immuabilité de la Création qui fait le socle de sa tradition. Cette tradition qui doit être son égide s’il veut résister au Temps pour encore un deuxième temps. Ainsi la régularité de ses sauts en avant lui procurera la sérénité et la sécurité qui sont les gages de sa survie. Le compagnon se confond avec l’œuvre qui prend forme sous sa main, il vit en esprit dans la matière ; il anime tout ce qui est inerte en le replaçant dans le vivant. Par la force de la pensée il crée la beauté inspirée par la sagesse divine. Son chef-d’œuvre accompli n’est que la transcendance de l’amour fécondant l’informe.
3 – Le Maître
Le maître est par excellence celui qui conçoit toute œuvre et qui est apte à diriger les travaux sans oublier qu’il a été apprenti. Privilège de l’humilité du Maître.
Dans l’Univers y eut-il un Grand Architecte pour ordonner et lancer dans le Cosmos ces milliards de Galaxies dans lesquelles brillent une infinité de soleils ?
Oui! Nous pouvons concevoir que l’Univers s’est « fabriqué » dans un immense cocon que l’on nomme Espace et qu’il a déployé ses ailes à l’Infini. Le miracle est la naissance de cet Être humain qui peut maintenant en être le témoin ; l’homme, il est vrai, peut tout imaginer et enfermer le Monde dans sa pensée. Néanmoins il est aussi capable de projeter, de créer, de fabriquer une quantité de choses diverses dans leur forme et leur destination, et souvent par nécessité ; en quelque sorte il crée en bas avec tous les éléments qui se retrouvent en haut, tout en étant conscient qu’il est lui-même une création cosmique et qu’il possède en lui tous les éléments de cette création. Peut-être, est-il aussi conscient d’une mission, et qu’il n’a pas été créé pour rien, par hasard et fantaisie de la Grande Force qui englobe tout ce que perçoivent nos sens.
L’Homme de génération en génération, par petits sauts, bâtit son histoire ; une série de points marquent quelques étapes importantes pour lui, de son évolution. Souvent la toile qu’il engendre et qui doit retenir tous ses acquis se disloque et se brise dans la tourmente des temps ; l’homme met en danger son espèce parce qu’il ne maîtrise pas toujours les effets de sa prolifération. Le Maître non imprégné de sagesse est aussi tenté d’aller dans tous les sens ; il sort de sa spécificité, de sa spécialité, et outrepassant les limites de son domaine, il s’égare et se perd. L’homme est son propre ennemi, il le sait, mais il fuit son combat intérieur. « Ô Arjuna aux-bras-puissants, ton âme est invisible et pourtant là, mais tu veux l’ignorer » Mäha-Bäho), le degré d’évolution de l’homme conditionne sa Connaissance et le transcende.
L’homme qui naît, après son saut dans la vie, doit mourir. Sachant que c’est inéluctable, pourquoi s’attrister de ce mode d’existence inhérent à toute espèce vivant sur la croûte terrestre. On ne peut sauter un jour, ni reculer d’un jour, on avance inexorablement dans le temps en constatant la modification des éléments chimiques qui nous composent et dont nous sommes l’heureuse rencontre. L’intelligence dans la pensée consciente est pour moi l’âme que l’on cherche en soi et qui donne un sens à notre existence et nous permet d’espérer et de transmettre aux générations à venir la véritable Force pour l’amélioration de leur existence.
La maîtrise serait-elle, non la fin d’un cycle, mais plutôt le couronnement d’un long travail ? Un travail où l’esprit, domptant la matière par la main, ouvrirait la porte sur l’escalier aérien de la spiritualité. Il faut monter puis redescendre pour que le maître rejoigne le nouvel apprenti entré dans la chaîne du métier. Ainsi les ouvriers se relèvent inlassablement sur le chantier où la construction s’érige dans le cercle de la génération qui forme avec tous les cercles passés la grande chaîne de l’Humanité. Car tout se tient, et chaque être, chaque élément, chaque chose prend son ascendance depuis la nuit des temps.
4 – La Découverte
La découverte, les découvertes se sont faites par de multiples sauts par-delà des frontières et des horizons que l’on croyait infranchissables. La Volonté des hommes d’aller toujours plus en avant en a été le grand moteur. Nous avons aussi, par esprit d’aventure, rejoint tous les peuples de la Terre, les grognements sont devenus des mots articulés, et nous avons mêlé nos langages. Nous avons constaté que l’autre était moi avec toutes ses différences étonnantes mais enrichissantes. Et les autres ont fait le chemin inverse pour être découvreurs à leur tour et s’étonner de la même manière. On a appris à sauter d’un langage à l’autre, d’une écriture à l’autre, d’une pensée à l’autre. Nous avons cherché et trouvé les sources des grands fleuves dont l’eau est aussi source de vie. Et nous avons remonté parallèlement le cours des langues et écritures qui s’enracinent dans les divers pays ; racines dont les origines viennent de plus loin. Où ? Les voyageurs ont été les porteurs de nouveaux mots, de nouvelles structures linguistiques. Une multitude d’affluents sont descendus d’un grand fleuve irriguant l’Asie et sont repartis en sens inverse en modifiant parfois leur cours dont les méandres ont atteint d’autres peuplades. Toutes les langues modernes brillent de ces pierres anciennes qui supportent les nouvelles. Ainsi la tradition est cachée sous le verbe commun, et, l’initié le sait.
Nous avons tous un nouveau territoire, un Nouveau Monde à découvrir. Le bébé de l’homme commence par découvrir sa mère et ensuite son corps. L’adulte immergé dans l’Extérieur devrait se redécouvrir à nouveau et se connaître lui-même en allant chercher dans les profondeurs de son inconscient le Germen l’ayant créé.
La découverte implique donc la recherche à petits sauts successifs.
5 – Le Chercheur
Actuellement le chercheur a remplacé le savant. Désignation trop pompeuse ou émergence d’une multiplication de génies fabriqués par les Grandes Écoles et les Centres de Recherche. Néanmoins le savant-chercheur fait partie d’une élite minoritaire avec des spécificités dans tous les domaines. Terminologie qui se veut moderniste, comme pour se démarquer des temps anciens, paradoxalement forts proches de nous. Le savant à large front avec barbe ou sans barbe portant verres ronds cerclés d’acier, ayant usé ses yeux sous de mauvaises lumières, a vécu. Le présent est souvent au débraillé mais toujours à l’œil vif et à la voix juste, et, au poids des diplômes.
Les produits de la recherche, très éclectiques parce que touchant à toutes les techniques sont maintenant très élaborés et se démarquent des corps simples. L’objet saute d’un design à un autre, et qu’importe sa fonction pourvu qu’il soit mode, alors que parallèlement « l’ergonomique » se met plus près du corps de l’homme par sa fonctionnalité. L’homme zappe entre l’utile et l’inutile tout en étant conscient que l’inutile peut être ludique puisque l’utile ne se rapporte qu’à ses fonctions. Or, l’outil, l’utile, le nécessaire habillé d’art devient qualitatif en s’éloignant du quantitatif. À preuve l’art culinaire dont les gastronomes font l’apologie, ceux-là mêmes goûtant plus que mangeant et faisant d’une table un espace d’harmonie. Tous sens dehors l’homme en étant là veut être ailleurs par la recherche d’autres sensations et pour exister autrement. La quête de perfection pousse l’humain à l’invention ; en réalité il se réinvente en se créant d’autres moyens. L’homme a inventé la chaise, mais il n’est pas fait pour rester assis ; il est fait pour cette marche incertaine où il peut chuter à chaque instant ; ce qui est plus exaltant !
Y-a-t-il une réelle différence entre le chercheur professionnel et le chercheur amateur ? Sont-ils capables, l’un l’autre, d’utiliser les mêmes outils ? Oui, car ils sont tous deux animés par la même passion : chercher, trouver et réaliser.
Du plus large au plus étroit et en profondeur, de l’immense à l’atome microscopique, l’œil, en quelques battements de paupières, a tout vu. Des milliards et des milliards de pixels entrent en continu dans notre pupille, et sans se soucier de les compter notre cerveau vogue sur une infinité de couleurs. De même, les autres sens engrangent toujours en continu, mais de moins loin, ce qu’ils captent de notre environnement. Le trou noir de notre cerveau absorbe tout et charge la mémoire qui ne restituera parfois, et à la demande, que les senteurs, les images, les sons, les goûts, et les impressions tactiles qui forment le long ruban de nos souvenirs immédiats.
Pour gérer la moisson de toutes ses sensations, l’Être doit les mettre en ordre, comme le pêcheur range les différentes espèces de poissons dans des casiers distincts. C’est s’imposer une Règle, une méthode, un zapping de rangement où l’œil et la main sont liés. Cela saute aux yeux, et, nous comprenons de ce fait que la Logique, l’Esthétique et le Finalisme sont nécessaires avant le grand festin gargantuesque quotidien offert par les Êtres et la Nature. Certes, l’Humain avant d’être chercheur, découvreur, inventeur, est un jouisseur ; mais les plus « Puissants » éduquent sa pensée en l’enfermant dans la Mâchoire de leur Pouvoir où les dents sont les Lois des sociétés qui le contraignent à rester obéissants ; il y en a qui comme Ulysse échappent, par la ruse et la force, à l’étreinte mentale des Dieux. La révolte est un saut dans un lendemain aléatoire ; le surlendemain reconstruit un autre être…
L’être humain à sang chaud ne serait-il qu’une émanation solaire, enregistreur de tout ce qui se présente à ses sens ? Un être se nourrissant et procréant par nécessité et qui aurait inventé la Philosophie par fantaisie.
6 – La Philosophie
Depuis que l’homme est sorti de sa caverne pour construire, avec ses mains et son imagination, des cités, il s’est organisé autour d’un chef pour devenir ensuite ce citoyen d’aujourd’hui voulant parfois échapper à toute autorité tout en croyant être un individu autonome, et partant de là sans lien avec la société ; ce qui est aberrant. Il a progressé, d’abord par petits sauts au fil de ses découvertes ; sa pensée s’est modifiée et adaptée à la manipulation d’objets et d’engins de plus en plus nombreux. Sa philosophie, sa morale, ses jugements ont été affectés par cette progression qui le fait bondir toujours plus loin. Il en est, néanmoins, qui n’ont pas voulu rompre le fil qui les rattache à leur Passé prestigieux. Peut-être que ces Gardiens de la Tradition sauveront notre Monde d’un malheur qui guette l’Humanité dans un Futur obscur que personne ne souhaite.
Il fut un temps où philosophie était synonyme de sagesse ; actuellement la philosophie n’est plus l’apanage des plus sages. Les néo philosophes fondateurs et porteurs de doctrines extrémistes sont les plus nombreux depuis la fin de la première guerre mondiale. Des méthodes nouvelles assorties d’une dialectique inspirée des grecs anciens, ont été utilisées et élaborées pour atteindre avec une efficacité diabolique la pensée et y imprimer l’obéissance à certains pouvoirs doctrinaires. L’homme d’hier, dont la force centripète des anciens penseurs l’avait invité à la connaissance de lui-même pour découvrir les profondeurs de son être, est devenu cet homme d’aujourd’hui instable, sollicité par les modes, baignant dans un océan d’images et de sons où des sirènes le mènent vers toutes les tentations de la consommation. La Force centrifuge l’a pris dans son tourbillon et l’a écartelé.
La nouvelle philosophie prône la levée des tabous et viole le plus souvent la chose sacrée, ce qui fait régresser l’humain en le rapprochant de l’animal. Les penseurs anciens qui faisaient avant tout intervenir leur conscience dans tous leurs manifestes n’ont plus rien à voir avec ceux d’aujourd’hui qui privilégient l’instinct plutôt que l’esprit ; l’un rabaisse l’autre élève.
« Les Nouveaux » séduisent les foules par leur laisser-aller en tout genre, soi-disant libérateur mais en réalité facteur de perversion et de pourrissement. « Les Anciens » faisaient école avec quelques disciples aptes à suivre leur enseignement et à le propager : les individus pouvaient choisir librement les principes qui pouvaient être les meilleurs pour gérer leur existence. La grandeur des civilisations antiques nous apparaît encore plus brillante au fil des découvertes.
Il n’est point question d’arrêter tout progrès contribuant au mieux être de l’homme, mais de veiller aux dérives des « penseurs » qui seraient tentés de créer de faux tremplins pour faire sauter l’humanité dans un néant-paradis, labyrinthique et enfumé où elle s’égarerait puis se perdrait. Donner sa part de rêve aux citoyens d’une société ne veut pas dire les déconnecter de la réalité de leur Faire, au quotidien ; le rêve, quand il n’est pas ludique, c’est l’espoir d’être mieux en concevant demain, aujourd’hui. Ainsi la tâche de l’humain ne peut s’axer qu’autour de projets, certes parfois ambitieux, pour servir l’ensemble de son espèce inscrite dans un contexte terrestre qui mérite lui aussi toute notre attention et notre respect. « L’Amour, pas la guerre », bien sûr ! Mais avec une conscience propre et nette d’où l’on sort grandi et non avili. Les missions sont diverses, sous-tendues de tolérance, d’amélioration, de compréhension, d’intégration. Même exaltantes, elles ne doivent jamais s’écarter de l’éthique universelle.
Nous ne pouvons, non plus, aller à rebrousse temps en voulant contrecarrer les mutations que subit l’humain dans l’évolution normale de son espèce et celles qu’il est prêt à expérimenter pour la réparation et l’amélioration de son corps. Support de la pensée, son cerveau lui-même recevra des inclusions pour un meilleur fonctionnement. Dans le meilleur des mondes les hommes de Sciences veilleront à ce que toutes ces métamorphoses de l’Être voulues pour son perfectionnement soient toujours contrôlées et conforment à l’Éthique. Du fin fond de l’Espace, si d’autres espèces semblables à la nôtre, parviennent un jour à atterrir sur notre Globe, elles ne devraient pas découvrir un Monstre appelé autrefois Humain. Le saut d’un Univers à l’autre doit être chargé d’Espérance et de Lumière.
Notre constat dans le sautisme est que l’homme, par petites touches successives, s’est créé un manteau d’impressions multicolores qui tendrait à le faire paraître cosmopolite alors qu’il s’est englué dans l’uniformité.
Il est vrai qu’il fallait sortir le citoyen du Praxis et du Lexis où il s’exerçait dans l’agora ; nos moyens permettent à présent de refonder une société sur un agir mondial et de resserrer les liens des différences. La reconnaissance de l’altérité est le fondement de toute égalité réelle.
Immanquablement, par la prolifération des productions de l’homme liée à ses moyens et à ses savoirs de plus en plus nombreux et performants, il était concevable que notre merveilleux cerveau pourrait augmenter sa capacité à recevoir et à émettre. Le cerveau engrange, instantanément, une multitude de données, mais, hélas ! il est obligé de passer par la démultiplication, pour exprimer et transmettre ce dont il s’est rempli. Pour conserver ses acquis il est contraint d’organiser un archivage méthodique. En quelque sorte il doit se doter de mémoires additionnelles extérieures. Pour utiliser tous les documents, mis ainsi en réserve, il mime l’abeille qui butine par-ci, par-là, pour construire comme elle son propre monde et sa société. Chaque cerveau contient un petit monde qui se veut le reflet du Grand Monde extérieur. Toute liaison se fait par connexion qui implique un contact par pont, par saut infiniment court ou immense comme celui du radar qui atteint la Lune. Dans le cerveau ce sont les neurones qui s’interconnectent.
L’homme en est toujours à se poser le même questionnement : Qui suis-je et où vais-je ? La réponse est peut-être dans « le connais-toi toi-même » des grecs anciens qui l’affichaient au fronton du temple de Delphes. Et en dépassant notre orgueil d’être le seul fils de la création divine et que tout a été créé pour lui, l’humain pourrait, alors, entrer humblement dans l’ensemble du vivant. Pessimisme ou optimisme n’ont aucun sens pour les autres règnes ; seule la souffrance est commune à toutes les espèces. L’organisation sommaire nécessaire à la bonne marche de la tribu a fait place à des institutions nombreuses et complexes pour gérer une humanité, qui dans certaines parties de notre globe terrestre, fourmille par la multiplication anarchique des populations. La frénésie s’empare alors des individus et contribue à les perdre dans leurs passions. Au nom d’une culture tentaculaire envahissant le monde par média interposé, l’homme s’active dans sa folie sautillante en donnant libre cours à tous ses délires.
Nous semblons vivre plusieurs existences à la fois ; l’homme est en constante schizophrénie, d’où les troubles qui l’affectent, et le recours de plus en plus fréquent à des psychologues et psychiatres. Le déni des philosophes, les vrais, à vouloir remettre l’individu dans des voies plus normales, plus morales, s’explique quand des doctrines semées à la volée dans les sillons de la masse des peuples germent et empoisonnent leur cerveau. Tous les extrémismes sont les fruits de ces idéologies vénéneuses. La résistance, au mouvement de la houle des foules de celui qui souhaite garder son libre-arbitre, le force à sortir de sa neutralité pour combattre et se hisser sur la berge salvatrice. Il est certain que nous nous sommes éloignés des archétypes et modèles de raisonnements que nous avaient légués les Sages anciens, croyant pouvoir en créer d’autres plus révolutionnaires. Il suffisait simplement de les adapter à notre temps en prenant soin de ne pas couper les racines porteuses de cette sève puisée à la source de la Connaissance. Des pans de société ont sombré dans le Pandémonium et quelques êtres bien pensants essaient d’éteindre les flammes qui en jaillissent et risquent de créer l’embrasement universel. Ainsi, le nouveau citoyen du monde boulimique et avide de nouveautés affiche son caractère vénal en oubliant les principes élémentaires qui relient les individus, c’est-à-dire ceux qui sont fondateurs de toute civilisation : Les Lois.
Actuellement nous faisons un saut dans l’inconnu et tous nos repères actuels seront à longue échéance caducs. Nous prenons conscience dans les années 2000 de la distance qui nous sépare du premier poseur de pierre taillée. Certes, nous sommes forcés de constater la grandeur et le génie des Civilisations qui ont laissé un peu partout leurs traces et leurs restes somptueux, mais nous sommes aussi conscients du rebondissement amorcé dès la fin du XIIIe siècle qui nous a amené à la conquête des espaces extra-terrestres. Nous avons cette consolation que tant qu’il y aura des hommes l’aventure ne sera pas terminée et nous poussera toujours à bondir en avant. Et pourtant, nous entendons quotidiennement des voix qui prêchent le malheur et qui annoncent des temps apocalyptiques. Ferions-nous ce bond en arrière, qui nous ramènerait à recommencer une nouvelle ascension et à rebâtir l’œuvre cassée ? Les Grecs et les romains savaient-ils que leur civilisation s’effondrerait ? Bien que les causes soient connues, nous n’allons pas jusqu’au bout de nos analyses pour éviter de voir quelque part la faiblesse de l’humain face à certaines croyances. Certains sont persuadés que nous sommes frappés par le syndrome du mythe de Sisyphe. Chaque naissance annonce une mort, chaque génération réapprend à exister, garde ou détruit l’œuvre de ses prédécesseurs pour établir la sienne. Et malgré la transmission des savoirs, la génération veut des modes qu’elle s’approprie pour se démarquer de l’ancien. C’est la course à l’éphémère et au sautillement permanent. Les grands courants de pensée se morcellent à l’infini, si bien que chaque individu peut défendre la vision unique de son monde. La philosophie est à redéfinir, le terme a vécu. L’idéologie politisée, frappant les masses pour les amener à se rallier au petit groupe qui prendra en charge leurs destinées, s’adapte en prenant les couleurs du temps. Les spécialistes du marquage de la pensée emploient toutes les ruses pour stimuler l’appétit des consommateurs ; la publicité est devenue une arme redoutable. Les sens de « l’homo-simplex » sont imprégnés, sur le champ de bataille des prédateurs, de phéromones qui doivent le faire s’engloutir dans la gueule qui le guette. Les attaques sont multiples, insidieuses, à multiples facettes ; on fidélise en employant des substances que le cerveau trouve plaisantes, on éduque l’œil, l’oreille à percevoir des images et des sons qui attirent. L’intoxication est permanente et va d’un sens à l’autre. Quand le bruit est à l’intérieur et à l’extérieur, l’homme ne peut plus penser sereinement, il s’excite, s’agite, perd la mémoire dans son action immédiate.
L’automobile, plus que les transports en commun sur terre et dans les airs, génère des comportements spécifiques. La philosophie du déplacement rapide s’accentue d’année en année et les comportements s’en trouvent affectés par un changement des mentalités. Des gens se croisent, se côtoient, se dépassent enfermés dans leur boîte d’acier sur roues, conduisant et se conduisant selon leur éducation, leur tempérament, respectant ou ne respectant pas les règles du code de la route. Piétons, ils se retransforment à nouveau en citoyens plus modestes et moins audacieux.
Le dédoublement de l’individu, voire son détriplement, est un phénomène courant dans cette société qui lui en a donné les moyens. L’homme a besoin de se faire valoir, maintenant qu’il a droit de cité comme les seigneurs d’autrefois. Il reste peu de pays où « les droits de l’homme » ne sont pas établis, mais comme autrefois la Fortune fascine les foules et crée un monde inaccessible à « l’homo-simplex ». Tout est paradoxe et ambiguïté, tandis que l’homme souffre en faisant sa mue vers le surhomme. Le rêve est toujours futur comme par le passé. Les individus s’évaluent, s’affrontent, souvent en des combats inégaux pour prôner ensuite le relationnel. L’échange est difficile car il participe des blocages, des phobies et des clivages de la société. La levée des tabous a provoqué l’émergence d’une société qui tend vers l’utopie, mais la socialisation parfaite du citoyen reste le grand œuvre à réaliser pour les idéologues.
Les « vieux » s’isolent, les jeunes se rassemblent ; ils se tournent le dos. En réalité les générations se sont séparées depuis les années soixante, début d’un schisme provoqué par la prise en main de « la Jeunesse » par des groupes extrémistes et notamment les trotskistes. Pour les idéologues de gauche, les valeurs de la Famille sont la pire des choses pour l’humanité dont les individus ne doivent obéissance qu’aux lois d’un état fort et protecteur. Et paradoxalement, les institutions, qui privent les parents de l’autorité première, punissent ces mêmes parents en les rendant responsables du dévoiement de leurs enfants! Proscrits la gifle et le coup de pied aux fesses. Et pourtant, pour commander il faut avoir un bâton.
7 – La raison et la conscience
Si l’homme a le pouvoir de juger, et c’est ce qui le distingue de l’animal, c’est parce qu’il pense et ordonne plus ou moins ses idées. Mais, est-il raisonnable pour autant ? A-t-il une conscience bien construite ?
Pour certains, la Raison dans le sens littéral du mot a très peu de valeur, étant donné que pour eux elle est un frein à leur liberté. Leur liberté de tout faire depuis « la levée des tabous » ; et en cela ils n’ont pas besoin de conscience filtrante. Encore un constat de dérive, pour qui ? Pas pour les plus nombreux qui constituent la masse des quatre-vingt-dix neuf pour cent des peuples, mais seulement pour le un pour cent restant d’irréductibles. Nous savons comment le Paradis fut perdu pour l’homme et la femme, en commençant par Adam et Eve. Ce qui est défendu est le plus tentant pour l’individu qui n’a pas le pouvoir de se maîtriser, et dont la Conscience n’a pas été formée dans son enfance. Question d’éducation ? Quand les vieilles barbes blanches ne donnent pas l’exemple de la sagesse, de la vraie sagesse, en participant au débridement de la société pervertie, on ne peut exiger de l’enfant, de l’adolescent, du sub-adulte et de l’adulte de bien se comporter. La tendance est au « lâcher-vous », faites caca ici, vous vous sentirez très bien après ! Pas d’aller-retour entre raison et conscience, pas d’interdit, pas de règles, donc pas de jugement. L’instinct gouverne de plus en plus des peuples entiers, la rue commande et fait fléchir le Pouvoir composé du Chef et des autres qui calculent leur intérêt à céder, pour ensuite exploiter les sautillements de ceux qu’ils gouvernent. Il faut bien donner au peuple des jeux et du pain ; à ce peuple inconscient de les avoir élus et mis au sommet de la pyramide. Avec l’apparition du virtuel en tout genre il est facile, très facile, de créer l’illusion. Ce que l’on donne d’une main, on le reprend de l’autre. Comme il est dit : c’est un tour de passe-passe. Ceux qui ont l’œil et l’oreille exercés voient la manœuvre et la dénoncent parfois, mais on leur dit qu’ils ont mal entendu et mal vu, et ce même « On », s’excuse de ce qu’il a mal dit. On proposera la même chose d’une autre façon ; il ne faut surtout pas faire de procès d’intention, n’est-ce pas ! Le citoyen, qui pourtant, dispose de médias dans tous les domaines et a la possibilité de manipuler quotidiennement des instruments de communication, se voit berner à la fin.
Cependant les Chefs tout en commandant ont peur. Et ils cèdent souvent devant la canaille menaçante. Pour se tromper et tromper les citoyens les chefs sautent d’un sujet à l’autre, et si par bonheur se dessine à l’horizon une menace ou une calamité quelconque, quelle aubaine pour dévier l’attention de ceux qui se munissent de microscopes.
La raison voudrait que pour l’obtention d’un droit, il faille en contrepartie l’accomplissement d’un devoir. Mais cette condition n’est inscrite nulle part, alors ? Il n’y a que l’individu possédant une conscience formée qui puisse avoir cette notion du Devoir. Personne ne l’impose, or le Devoir est l’une des plus grandes Valeurs de l’Humanité.
Il semblerait que le mariage ou le maillage de la raison d’avec la conscience de l’homme soit l’objet d’un rejet en général. Que dire de « la critique de la raison pure », ou « pratique » d’Emmanuel KANT qui nous amène à constater des phénomènes sensibles pour nous faire entrevoir la Loi Morale. L’humanité a ses ruptures dans l’espace et le temps et lorsqu’on regarde l’histoire connue de cette même humanité, la multitude des sauts plus ou moins longs nous apparaît. L’hominidé à petite cervelle, d’il y a deux millions d’années, devait se mouvoir avec plus de vélocité et certainement par bonds comme son cousin primate. Un langage certainement très rudimentaire et limité ne lui permettait pas d’avoir une pensée raisonnable mais plutôt intuitive, bien que l’outil et le langage soient neurologiquement liés et favorisent une vision pratique de l’existence. L’homo habilis deviendra plus technique et son néo-cortex enfin développé lui permettra d’articuler un vrai langage, mais c’est avec l’homo sapiens et son cerveau, dont la capacité est le double de celui du premier hominidé recensé, que la pensée s’épanouit. A partir de ce moment de l’évolution humaine, la communication dans l’espace social de la tribu est accomplie. Les idées émises mettent la construction en chantier parallèlement à l’organisation et à la structuration de la tribu. Les interactions des logements de perception dans le cerveau s’amplifient et poussent l’Homme à la découverte encore plus loin, hors de son territoire par curiosité et nécessité. Comme les abeilles, les hommes essaiment lorsque leur nombre augmente et par petits bonds peuplent les coins de terre où leur adaptation est possible ; mais il leur faut de l’eau et de la nourriture. Et voilà que maintenant en 2002 la population de la Terre a atteint 6 Milliards d’individus !
La progression géométrique procède aussi du sautisme. Il semble qu’implicitement tout le monde se félicite et même s’enorgueillit de ce nombre qui ne cesse de croître. La quantité fascine l’humain, mais l’homme raisonnable ne comprend plus l’homo simplex qui ne peut réfréner ses droits à tout faire. Et plus rien n’effraie la foule grandissante qui voit pourtant les effets produits par le surnombre ; on se résigne comme la bête qui engendre par portées successives, sans se soucier de l’avenir de sa progéniture. Et la femelle appelle impérativement le mâle. Et à chaque lever de soleil, en cascade, les pays s’éveillent, s’ébrouent, s’étirent en un grand flot d’humains qui remplit les espaces en flux et en reflux. Et chaque fois la Nature recule devant les assauts répétés de l’homme conquérant constructeur et destructeur. Le génie rejoint la brute dans la main duquel il a mis l’outil et l’arme de tous les ravages. Mangeant la terre à pleine gueule l’humanité creuse sa tombe dans cette terre qui l’a créée, et, où peut-être trouvera-t-elle un jour au fond de ce trou béant sa conscience.
8 – Les lois et l’illusion
Je légifère, je fais ma loi parce que je pense être le meilleur juge pour moi et les autres. Mon opinion s’est enfin affirmée et je serai inébranlable dans mes convictions qui sont le fruit de ma formation, de ma réflexion, de mon expérience et de tout ce que j’apprends au jour le jour qui, en quelque sorte, la conforte. Nos opinions peuvent varier à l’infini, influencées par notre culture qui s’étend et par nos sens qui découvrent un autre angle de vision, d’autres senteurs, d’autres touchers, d’autres goûts, d’autres sons. Ainsi de simples nous devenons triples voire multiples et nous déployons notre complexité à l’infini. L’individu doué d’intelligence, ayant conquis son libre-arbitre, pense en général comme ceci, tout en reconnaissant qu’il ne peut échapper à la loi commune édictée pour l’ensemble des citoyens. Il pense aussi que les sociétés engluent leurs citoyens lentement mais sûrement dans des systèmes convergents, élaborés par les tenants du Pouvoir. Certes, la Culture forme l’entendement de tout homme réceptif et réfléchi en lui donnant les moyens de connaissance par tout ce qui a été pensé avant lui. De l’Antiquité à nos jours l’écriture a véhiculé des raisonnements, des concepts, des définitions dans tous les domaines, et il a été prouvé que les questions avaient des réponses quand il s’agissait d’évaluer ou de démontrer que certains phénomènes tombaient sous le coup d’une loi constante. Le postulat précédant toujours la démonstration. Par contre l’axiome indémontrable mais évident a produit toute notre science cartésienne. Ainsi la chose conçue s’énonce clairement et peut devenir une réalité par la logique mathématique. Parfois, il a fallu après d’innombrables tâtonnements trouver la juste position des choses qui participent d’un assemblage. Le dépassement des apparences qui s’offrent à nous et le rétablissement par l’intellect de la vraie dimension objective nous force à un combat. Vaincre les aberrations en corrigeant les erreurs qui nous piègent et nous conduisent fatalement à l’illusion. La Nature sait l’illusion et l’utilise. Pour se protéger dans le petit monde des insectes et de certains reptiles, c’est prendre l’aspect d’une feuille, se parer de couleurs, d’yeux dissuasifs ou sembler être menaçant par une crête déployée, un gonflement du corps, un cri horrible.
Le pari stupide serait de prendre à la lettre le monde fait d’illusions que nous décrit Platon. L’homme est prêt à se perdre à tout moment, souvent par esprit de contradiction. Le dogme considéré comme vérité indiscutable, le rend définitif dans son acception et implique une croyance totale voire une adoration inconditionnelle. Au temps de Socrate les citoyens impies étaient condamnés à mort; il était donc criminel de ne pas croire. Et croire en quoi? La subtilité de la représentation des divinités dans les mythologies et les temples dédiés au culte de certains Dieux impressionnaient la plèbe comme l’aristocratie. Le citoyen craignait les foudres du ciel autant que celles des hommes qui lui faisaient subir leur Loi. De tout temps ceux qui détiennent le Pouvoir en utilisant l’appareil de leur société font croire au bien fondé de leur politique qu’une idéologie sous-tend. Il est difficile sans créer d’illusions de contenter tout un peuple, qui attend en permanence, bouche ouverte, la récompense.
9 – Le Travail et les loisirs
L’homme saute le matin de son lit, déploie son être et doit impérativement se nourrir. Il doit manger le fruit de son travail, s’il vit dans une société normale où la valeur du travail est reconnue. Ceux qui ont une langue simple comme le chinois savent que l’esprit anime continuellement la main et que la terre ne donne qu’à celui qui la cultive. Par nécessité plus que par devoir, ce sont les peuples d’Asie qui travaillent le plus ; immense fourmilière humaine qui charrie sans cesse des tonnes de grains de riz. Le comportement, l’esprit et la volonté des peuples asiatiques sont différents des peuples occidentaux ; les asiates ont fait un bond spectaculaire en sortant de la marge où les avait confinés leur idéologie. S’imprégnant rapidement des nouvelles technologies occidentales ils progressent par sauts rapides ; modernisation des villes et des structures, d’abord dans les grands centres producteurs ; renvoie de nos produits en boomerang, made in China, Taïwan, Indonésie, Hongkong etc. ; puis développement de leur propre technologie ; élévation progressive de leur niveau de vie par les sauts successifs de leur PIB. Paradoxalement la délocalisation de nos entreprises européennes appauvrit le vieux monde occidental qui s’enlise dans la mollesse en réclamant moins de travail pour se complaire dans une existence paresseuse et ludique. Le clivage se fait à la charnière du monde arabe. L’Orient s’enflamme et s’active tandis que le Moyen Occident s’use en priant que la nuit tombe vite pour se coucher. Et à l’Extrême Occident, là où les rêves de tous les découvreurs et conquérants ont buté, un immense chaudron bout à pleine puissance. « In God we trust » marque le dollar, la monnaie de la super-puissance mondiale qui appelle à tout instant la bénédiction divine « God bless USA », la nation du travail par excellence, du business dans toutes ses connotations et aussi de l’« entertaintment » avec ses super productions hollywoodiennes. Le Monde est partagé en conquérants, belligérants, terroristes et touristes ; et comme la cigale et la fourmi, les uns travaillent pendant que les autres chantent.
10 – La mort et la vie
Comment un univers apparemment mort, sans cerveau, sans pensée a-t-il créé la Vie?
Ce mystère est celui sur lequel butte l’esprit de l’homme d’aujourd’hui qui met tout en œuvre pour comprendre les origines de la vie. A la recherche d’éléments matriciels, hors de notre système planétaire, tel que l’eau, l’air, le feu et d’une terre à minéraux féconds, l’humain subodore un commencement de vie, dans un ailleurs qu’il ne peut qu’imaginer. La science issue du nombre et de l’observation avec une rigueur implacable veut rejoindre le merveilleux. Certes, ce ne sera qu’un grand saut par les sens cheminant sur un rayon de lumière à 300 000 kilomètres/seconde, mais quelle aventure dont on goûte déjà les prémices avec l’envoi de sondes et de télescopes dans l’espace, et toujours plus loin. Comme l’homo sapiens pour percer à l’endroit vital sa proie, on affûte notre outil avec de plus en plus de précision pour qu’il atteigne la cible où se nicherait la vie. Quel bond prodigieux ! Nous fait faire cette volonté d’aller chercher au loin le reflet de notre Création.
La terre a gardé pendant des millions d’années les squelettes des animaux qui ont précédé la venue de l’homme. Des chercheurs reconstituent morceau par morceau le passé de notre planète avec les débris, vestiges de tout ordre, et ils peuvent en décrire également le panorama complet et même le climat de ces époques. Mais la mort nous guette tous parce qu’elle est inscrite en nous. L’être humain normalement constitué est programmé pour procréer, puis mourir comme toutes les espèces de tout règne. La vie est le temps passé à exister ; elle peut être éphémère ou durer plus longtemps. D’une journée pour certains insectes à plus de deux mille ans pour les arbres comme le séquoia. Quelle importance, quel sens l’homo, à peine né dans l’histoire de l’Univers, donne-t-il à sa courte existence. L’orgueil plus que sa volonté le fait se tenir debout pour parader dans le monde qu’il s’est créé. Prenant conscience de sa faiblesse face à l’immense création en perpétuelle gestation, il s’est donné des Dieux pour se grandir et se parer d’une égide. Mais les Dieux multiples ou le Dieu unique qu’il prie et qu’il implore semblent l’abandonner quand la calamité frappe soudainement. Sur les ruines des villes empilées, sur les couches d’humanité enfouies, renaît une autre ville encore plus grouillante de vie. Par l’accouplement, la vie sans cesse ressurgit et se répand.
Rien n’aurait de signification pour l’être pensant s’il n’y avait pas naissance et mort. Les étapes de la vie ont été codifiées : l’enfance, l’adolescence, la jeunesse, puis la vieillesse. Pour sauter de l’une à l’autre catégorie, le corps et le cerveau évoluent en harmonie ou en disharmonie. Dans le meilleur des cas, la transformation se fait par le durcissement progressif de la structure interne et le grandissement de l’ensemble, en harmonie ou en disharmonie. L’individu nouveau émerge du vivant qui le portait, sa naissance s’annonce par un cri lancé comme un défi face à l’Univers. Chaque seconde annonce la renaissance d’une autre humanité qui formera dans le futur des populations différentes à chaque génération ; les comportements de chaque génération seront différents ; l’évolution des outils et des moyens engendrera des occupations différentes ; les constructions, les villes, les sociétés seront différentes. Déjà en 2002, les conflits et les accords générationnels sont définis par des codes qui ne sont plus ceux d’il y a à peine vingt ans. Et pourtant, la transmission du programme génétique, d’individu à individu, participe du même schéma dans le but de se reproduire ; néanmoins l’homme, notre contemporain, a le pouvoir de le transformer. La chaîne chromosomique par petits sauts a enregistré dans des petits amas le passé de l’individu ; l’information en double hélice est la caractéristique de tout vivant animal ou végétal. L’intelligence de l’homme s’éveille et s’amplifie quotidiennement, et aussi longtemps que son cerveau garde intacte son intégrité.
Le grand saut se fait dans la mort, monde insondable des ténèbres où le bateau de la vie nous mène sûrement sur le fleuve Existence. Être et ne plus être est la plus grande des questions philosophiques que l’on peut se poser.
11 – Immobilisme et silence
La vitesse s’est emparée de la machine qui ne s’arrête nulle part. Comme dans l’Univers tout tourne, brille, éclate dans la fulgurance d’une énorme détonation silencieuse ; mouvement perpétuel de l’Horloge qui rythme le temps avec le mécanisme de ses galaxies broyant les atomes et renvoyant tout au néant.
Au centre des deux pôles, le silence s’est figé dans deux cercles glaciaux. Ce sont les deux zones où aucune vie terrestre n’est possible. Notre astre Terre, pièce du système Solaire, tourne sur ses coupoles diamants ; gigantesque machinerie lancée comme un disque fou dans l’espace sidéral.
Alors que notre entendement nous confronte à l’Immensité infinie,
À l’échelle cosmique, cette minuscule boule bleue nichée près d’une étoile chaude, en compagnie d’autres planètes, semble immobile dans ce petit cocon ballotté au bout d’une branche d’une galaxie où scintillent des milliards de soleils. Cette galaxie est semblable aux milliards de galaxies que nous observons ou subodorons. Qu’est-ce tout cet Ensemble que nous appelons Univers? Nous, microbes qui ravageons notre environnement et phagocytons la plupart des espèces vivantes sur notre petite boule. Sommes-nous des nettoyeurs ? Il est certain, cependant, que nous sommes les pires prédateurs de cette planète appelée Terre.
Dans notre cerveau, en silence, notre intelligence travaille pour l’être humain que nous sommes dans sa volonté d’exister à l’extérieur, en liaison avec nos sens qui nous donnent en permanence notre position spatiale.
L’homme, qui n’avait à l’origine de sa création aucune prétention de domination, s’est créé au fil des siècles d’évolution une mission qui lui confère, depuis le pléistocène, l’omnipotence, l’omniprésence. L’homme imbu de toutes les prétentions ne saura jamais pourquoi la nature l’a créé après les grands dinosaures ; caprice de l’Univers sans petit ou grand destin, il sera effacé de la surface de la Terre, comme l’ont été les espèces anciennes. Et l’Univers n’aura aucun état d’âme!
L’Humanité n’aura pas saisi la chance d’avoir eu un cerveau qui pense lors de son passage sur cette planète.
L’homme face à la force des éléments terrestres et extra-terrestres est peu de chose ; Il devrait en prendre conscience et s’en pénétrer pour atteindre la sagesse du minéral qu’il croit immobile, premier constituant des galaxies qui tournent dans le silence sidéral.
12- Le Dernier Saut terrestre
L’homme saute en permanence à l’intérieur de lui-même, consciemment, pour éprouver ses sensations et inconsciemment par toutes ses fonctions contrôlées par le système médullaire. Tout est mémorisé dans ce cerveau complexe, qui parfois efface et restitue difficilement les informations thésaurisées. (La maladie d’Alzheimer opère comme un bug affectant le cerveau)
La dernière trouvaille pour asservir l’humanité : La Colonisation des âmes. L’esclavage a eu pour but d’exploiter l’homme en tant que machinerie pour accomplir un travail physique, surtout dans l’agriculture ; riz, coton, café, canne à sucre. Et cette forme d’esclavage a vu son abolition au milieu du XIXe siècle parce que la machine de plus en plus performante pouvait suppléer en partie la force des bras humains. Les fortunes des seigneurs de l’Humanité étant faites, ceux-ci entreprirent d’acheter à bas prix le travail de l’enfant, de la femme et de l’homme. En quelque sorte on colla l’humain à la machine et celui-ci devint une pièce interchangeable de la grande mécanique des manufactures, un maillon d’une chaîne infernale. Actuellement dans certains pays où le PIB est très bas des entreprises dites délocalisées emploient « cette main-d’œuvre » bon marché. Ce qui prouve que le Monde n’est pas encore sorti du dominant et de l’asservi et que les anciennes pratiques ont changé simplement de forme. Et il n’est pas étonnant que l’on exploite la main d’œuvre dans les mêmes régions du Globe d’où l’on importait esclaves et engagés. Mais l’objectif des Grands détenteurs du Pouvoir dans les domaines politico-idéologiques, économiques et religieux, est actuellement la conquête des cerveaux. Dès l’enfance, l’humain est à prendre ; des lobbies rivalisent d’astuces, d’ingénieries, d’endoctrinements pour ramasser dans d’immenses filets faits de mailles audio-télé-visuelles des millions de pensées. Mais paradoxalement ces milliards d’individus devenus des consommateurs effrénés, zappant d’un produit à l’autre, sont frappés par le syndrome de l’obésité en tout genre près de leurs montagnes monstrueuses de déchets. Lapins devenus kangourous énormes, leurs sauts les portent à franchir les limites de leur territoire, de leur pensée et de leur tradition. L’accélération liée aux moyens de plus en plus performants perturbe leurs perceptions et les plonge dans l’aberration permanente ; les drames et les calamités se succèdent à fréquence plus rapide, et l’objet de l’envie devient vite objet de torture. On descend quatre à quatre les marches de l’escalier de l’opulence, et, arrivé au rez-de-béton, on ne saute plus de joie. Les deux derniers sauts sont ceux que l’on fait de vie à trépas et au fond de la fosse les pieds joints.
Mais l’Homme a toujours rêvé de maîtriser le Temps, en vain. Il lui faudrait sauter hors du Temps pour échapper au Temps ce grand maître de l’Univers implacable et sans pensée. Nous ne pouvons que rentrer à l’intérieur de nous-mêmes pour mieux sauter à l’extérieur. La dernière évolution de l’Homme serait donc son passage dans le monde métaphysique, le domaine de l’Esprit où il pourrait atteindre le plus haut niveau de conscience. Les niveaux de conscience s’étagent dans la pensée au fil du temps et de l’âge ; nous pouvons les descendre et les remonter à notre gré. Tout en bas, il y a l’Inconscient collectif qui se perd dans la nuit de la pensée de l’homme, sa mémoire subconsciente. Nous zappons en tenant d’une main l’élastique d’Ariane qui peut nous ramener rapidement à notre point de pensée de l’instant.
La vie interne est à l’image de la vie externe permise par notre être sensible ; à l’intérieur les connexions sont plus courtes et de l’ordre de la nano seconde ; elles nous préparent aux sauts et propulsions dans les trois éléments, terre, eau, air et nous fait fuir le quatrième le feu ; alors que celui-ci est magique et rend possible toute alchimie.
Et si, par miracle, nous resautions sur terre ; celle du dessus foulée par les pieds des humains, nous entrions alors dans le cycle des renaissances et de nouvelles souffrances à endurer. L’homme actuel, par son génie et ses inventions, a la possibilité de sauter hors du temps terrestre comme pour échapper au Temps Universel qu’il veut annihiler. Il veut conquérir sa liberté entre Loi universelle et illusion. Mais le Prix est de vendre son âme au Diable ; il rêve de se cloner pour approcher l’Éternité. Encore un saut… Ainsi s’imagine l’Humain prenant son vol d’Éternité dans la pureté de la Lumière qui le transcende. Le dernier saut terrestre.
13 – Le Saut dans l’Ailleurs
Et là-bas, loin de sa Terre natale, l’Homme transformé sur le chemin spatial, à des années lumière, oublie qu’il était cet humain faible, sujet parfois à une mort prématurée. Il sait seulement qu’il a fait un saut dans l’Espace interstellaire pour échapper à un Monde où la vie ne serait plus possible. Des signes avant-coureurs l’avaient averti ; tout se dégradait par la prolifération de son espèce dévoreuse et destructrice de son Environnement. La Nature terrestre vue par l’homme lui était inférieure dans ses tous règnes ; du haut de sa grandeur, il voulait ignorer que ce sont les processus naturels mêmes qui régissent toute vie sur notre planète Terre ; les déséquilibres écologiques sont fatals à l’architecture du vivant. La Bible lui rappela l’Eschatologie dont les prédicateurs illuminés avaient averti les foules. Sachant que l’Espace et le Temps sont complémentaires et que pour en prendre conscience il lui fallait y mettre des objets comme repères pour donner une signification à son existence, il devait lui aussi devenir Autre. Sa haute technicité l’avait conduit à faire en quelque sorte une Arche de Noé, une flotte de vaisseaux interstellaires, pour monter encore plus haut que la Terre. Le Grand saut salvateur de l’Espèce Humaine. La future planète attendait le prochain saut de l’Histoire de l’Homme.
Est-ce le dernier Saut ? Si tout a un commencement, il y aura inéluctablement une Fin à toute chose de notre Monde. C’est comme cela que notre cerveau pense en enchaînant des processus logiques ; se trompe-t-il ? Mais aucune pensée n’a d’action sur l’architecture de l’Univers ; la Matière est indifférente à toute logique et ses différents états n’obéissent à aucune Loi cohérente, hormis celles que les Hommes ont établies dans la Physique et la Chimie pour appréhender les phénomènes perçus par leurs sens ; et, faire ainsi un Fini par le concept, et, marquer un temps de compréhension dans l’Univers Infini. Le Hasard sans nécessité déroute l’Esprit humain ; ce qui pousse le plus grand nombre d’humains à se réfugier dans la Croyance d’un Grand Protecteur qui les fait sauter de Dogme en Dogme. Ceci, leur donne l’illusion d’être investi d’une mission et d’une responsabilité sur leur petit monde rond qu’ils ambitionnent d’étendre à toute la Galaxie !
Et alors les sauts s’enchaînent, et de plus en plus vite ; l’idée, alignant des mots parlés, écrits, parcoure les cercles de notre globe à la vitesse de la Lumière ; les inventions, les réalisations se suivent. La prolifération des objets tente les gens avides de les posséder et de les manipuler. La main, l’œil sautent de l’un à l’autre ; on zappe sur les formes et les couleurs mais les mémoires se vident de seconde en seconde pour s’emplir d’autres perceptions dans la même seconde. Et puis, vient l’instant de l’oubli, l’instant de la consommation ; et l’on saute de la baguette au bol, de la fourchette au couteau, des doigts crispés sur le pain porté à la bouche ; l’Humain mange la matière pour restaurer son corps et sa pensée, et, tous deux se dilatent en paroles se mêlant aux bruits tonitruants des foules qui se croisent à longueur de jours et de nuits. Toujours ce mouvement, le plus souvent circulaire à l’imitation de tout ce qui se meut dans l’Univers. Le saut dans l’inconnu engendre la peur, et, le vertige arrête celui qui ose se pencher au bord du gouffre. Dans notre oreille interne les cristaux sautent allègrement d’un canal à l’autre ; pour arrêter cette chute à l’intérieur de nous-mêmes il faut nous recentrer en sautant vers l’amont de toute chose.
L’Humanité progresse en nombre, étend son vivant ; les petits des humains bondissent hors de leur berceau et foulent à leur tour la Terre. Un cercle de génération se construit à l’image d’une cellule animale ou végétale avec son nucléole où tournent tout autour les êtres humains nouveaux. Ce cercle va envahir un espace dans l’espace de la génération ancienne, va la supplanter et s’échapper en glissant, tandis que les cordons ombilicaux disparaîtront comme tout conduit devenu inutile. Déjà le prochain Saut se prépare …
Ce n’est pas fini!
Au saut du lit tout recommence, l’individu reconstruit son monde dans le Monde qui s’éveille devant lui et s’endort progressivement derrière lui.