Textes

Les concepts

By 4 janvier 2021 janvier 27th, 2021 No Comments

Il y a des livres tout maigres qui contiennent souvent d’énormes concepts, il faut savoir les flairer, comme ça, presque par intuition. Nous avons surtout des préjugés pour les gros volumes qui sont censés contenir de bien grosses idées luisantes. Et nous sommes très étonnés, lorsqu’on y trouve qu’une mince aventure, avec une pauvre prose. C’est comme ça, mais je n’en ai pas eu pour mon argent ! C’est ce que l’on pense ordinairement.

Cependant, il existe et il a existé de grands concepteurs. Je ne les citerais pas, je sais que vous les connaissez tous, mais quand on veut s’en souvenir, c’est difficile ; j’ai un ami, heureusement qui sait tout, il a une mémoire d’éléphant, alors que d’autre part, il est mal éduqué et souvent il déraille, dit des bêtises ; c’est peut-être dû à ses opinions sur tout et sur rien, celles que l’on n’aime pas entendre parce qu’elles sont contraires aux nôtres. Tout ce qui est pensé n’est pas forcément un concept. Et puis, vous me direz, il n’est point besoin de penser, puisqu’il y a des quantités de concepts en tout genre que l’on peut trouver en librairie ou emprunter à un ami qui possède des ouvrages qu’il a accumulés à longueur d’existence. Si nous ne les lui rendons pas, ce n’est pas si grave pour lui, d’ailleurs il est très gentil.

Est-ce que l’on peut vivre sans concepts ? Oui, à condition de ne s’occuper de personne et de cultiver notre jardin comme l’a dit Voltaire. Dans ce dessein, il faut être candide. Combien sont ceux qui ont sur leur table de chevet un livre et une lampe de chevet qui s’allume ? Chez certaines personnes, il y a une table de chevet au pied du lit où trône et brille l’écran de toutes les illusions. Ne tournons pas en rond et soyons clairs, qui a envie, à notre époque, de lire La République de Platon ou L’Énéide de Virgile ? Très peu, si peu, qu’on voudrait tous les connaître, ces lecteurs originaux. Je n’ai pas encore trouvé dans les petites annonces de mon journal préféré « échangerai un ou plusieurs concepts neufs ou même ayant servis et anciens ». Tout à l’heure, il est vrai que moi-même, je disais à un ami : j’ai devant moi le Livre de la Nature, je suis émerveillé et j’ai l’impression de passer par le centre du bonheur (quel privilège ! je vis sous les tropiques et les oiseaux me réveillent tous les matins). Donc il n’y a plus de concepts, les vrais, à vendre ou à échanger ; sauf au Thibet, paraît-il ! c’est en montant que l’on risque de rencontrer un concept car la pensée s’élève pour celui qui pense tout haut. Et l’on dit aussi, que l’esprit s’élève lorsqu’on pense intensément dans la pureté de son conscient. Pour celui qui pense tout bas, il est nécessaire de descendre pour le trouver, parfois dans la cave où il y a du bon vin ; c’est alors un concept de rat plus ou moins éméché, quand la bougie s’éteint. Il est d’ailleurs plus obscur que le premier et confine à l’amphigouri. Mais quand tout est clair, nous pouvons dire comme Boileau : « Tout ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément ». Finalement pour que ce soit lumineux, il vaut mieux concevoir le jour que la nuit. Quoique la nuit il y a naturellement, des conceptions de circonstance et point n’est besoin d’y voir clair.

C’est vrai que les concepts sont presque toujours philosophiques puisque que Kant a dit : « c’est toute idée qui est générale sans être absolue », et un intellectuel est par excellence un créateur de concepts. Finalement il faut trier entre les purs concepts et les impurs si on ne veut pas se salir les méninges et sombrer dans le pessimisme. Neuf cent quatre-vingt-dix neuf concepts sur mille demeurent à l’état de concepts purs. Il y en a un qui aura une portée pratique, mais encore étant prototype, il faudra l’essayer avant de l’adopter. Définitivement, je préfère les objets fait main.