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Matière, Matériel, Esprit

By 4 janvier 2021 janvier 27th, 2021 No Comments

Est-ce que l’on peut dissocier d’un coup de baguette magique matière et esprit ? Notre corps est fait de tissus complexes, d’os, d’un système lymphatique, d’un système nerveux descendant de notre cerveau, commandant suprême de notre être. Notre cerveau qui reçoit toutes les perceptions de nos sens, analyse, synthétise et échange éventuellement avec d’autres porteurs de cerveau, qu’ils soient humains ou animaux. L’ensemble de ces processus qui se passent dans l’enveloppe crânienne, nous le nommons Pensée, et, cette Pensée peut engendrer des actions qui mettent en mouvement nos fonctions, par exemple la parole, le geste, l’écriture. Notre système lymphatique contrôle les instincts nécessaires à la survie : manger, combattre, se protéger et se reproduire. Et à l’intérieur de notre corps nos organes travaillent dans un quasi silence, sans que notre volonté intervienne pour nous maintenir en vie.

Le matériel et la spiritualité sont deux choses dont on se sert. La première a permis à l’homme  d’aller plus vite qu’avec ses mains et ses pieds, d’avoir des objets et des outils de plus en plus perfectionnés pour progresser, pour construire toujours plus haut, pour s’élever dans les airs … ou pour se divertir. La deuxième procède d’une activité intellectuelle et présuppose une certaine intelligence pour être appréhendée dans son principe immatériel. Ainsi les philosophies et les religions sont nées des spéculations engendrées par l’intellect et ont donné naissance à des théories, des dogmes et des concepts. Et le verbe, l’écriture, l’image sont devenus des outils puissants pour travailler la pensée de l’humain. La Science de l’homme a établi le lien entre matière et esprit tout en contribuant au perfectionnement humain. Les mathématiques actuellement associées à l’informatique nous font progresser à pas de géant dans tous les domaines. Les méthodes sont diverses comme les outils, elles sont censées servir l’homme et contribuer à son amélioration ; la pédagogie et la psychologie sont deux voies complémentaires nécessaires à la structuration du cerveau pour engranger connaissances et savoir faire. L’éthologie qui s’applique plus à l’univers comportemental animal pourrait tout aussi bien nous servir pour expliquer certains comportements humains, et la fable de La Fontaine serait alors réalité.

Le catharisme et le matérialisme ont favorisé l’extrémisme. L’Albigeois comme Karl Marx ont marqué des peuples entiers, et nous avons de nos jours des formes d’intégrismes et « d’hédonismes-épicuriens » ravageuses pour l’humanité. Les religions de l’extrême et le consumérisme effréné déstructurent l’humain, car l’excès dérègle le mental et détruit le corps. La quantité, à pas pesants, s’est mise en marche,  gueule ouverte, engloutissant tout sur son passage. Pourrons-nous, ces jours-ci ou plus tard, arrêter la multiplication des êtres d’une humanité qui ne font plus l’effort de réfléchir ? Une partie de l’humanité engluée dans sa graisse revendique plus de place, mais les maigres eux aussi fourmillent ! Une grande guerre, déclenchée par hasard, ne serait même pas la solution. Nous connaissons l’instinct de l’homme, après ce genre de calamité, pour reprendre de plus belle la procréation. Et pourtant, il est des seuils de peuplement qui ne sont pas à dépasser ; la pensée porteuse de lumière, privée d’oxygène, s’éteindrait, et les derniers sages périraient piétinés par cette masse qui se coucherait à son tour pour l’éternité, dans ses propres excréments. Et il n’y aurait plus aucun témoin pour recueillir quelque lambeau d’esprit., sinon que des colonies de bactéries, sans corps ni pensée, se disputant les restes d’un festin apocalyptique

Avec des si et des soupirs douloureux, l’homme lève les yeux au ciel et cherche désespérément  quelque chose de providentiel ; c’est aujourd’hui ! Pour demain il envisage le pire. Pourquoi vouloir considérer, à tout prix, que l’humain soit fait de chair, de sang et d’un petit nuage qui plane au-dessus de lui ? Les femmes et les hommes obéissent, comme toutes les autres formes de vie attachées à notre planète Terre, à un Ordre Universel régit par la loi qui lie intimement néguentropie et entropie. Une mise en vie dans un ensemble atomique simple ou complexe selon les espèces, conduit fatalement tout être à une régression lente ou accélérée se terminant fatalement par la mort. Et ces évolutions font partie intégrante de la chimie cosmique sous la présidence d’un Roi Soleil pour les systèmes comme le nôtre. Pour se fabriquer, l’homme pompe quotidiennement  dans l’air, l’eau et la terre les éléments nécessaires à sa construction. Et l’esprit qui procède du feu intérieur finit par émerger au-dessus de cette construction, à condition que l’homme ait des aptitudes pour transcender sa pensée.

Nous constatons que tout résulte de combinaisons plus ou moins élaborées pour arriver à dégager de la matière, et parfois à l’aide du matériel, la quintessence que représente la Spiritualité. Mais cela ne suffit pas, il nous faut faire un dernier effort pour ne pas condamner une ou plusieurs parties de notre Être et pour comprendre, en la respectant, la diversité des humains ; ces humains qui se complètent parce que la nature l’a voulu ainsi et qui doivent agir, comme les fourmis dans leur monde, pour travailler au bien commun avec en plus une conscience que seuls possèdent les humains. L’homme seul et la femme seule sont voués à la marginalisation et seront, tôt ou tard, persécutés par les autres. Des tribus se reforment au sein desquelles des individus se reconnaissent pour se sécuriser et œuvrer ensuite ensemble. Le collectif devient l’arme des plus démunis. Alors que les modes vestimentaires et de pensées cycliques s’uniformisent de l’Europe aux confins de L’Ouest, pour une durée annuelle, dans l’anarchie des croyances du moment, la crise identitaire du monde musulman moule les peuples dans leurs habits ancestraux distinguant l’homme de la femme. Pour mettre en évidence leur spiritualité mahométane et coranique, l’homme vêtira les blancs voiles de la pureté tandis que la femme sous les voiles noirs et le chadore représentera le monde des forces obscures où l’on peut se perdre. Pour que l’Humanité entière entre dans sa troisième Renaissance, il lui est nécessaire de dépasser son capitalisme, dit moderne, pratiquant l’économie de marché, son syndicalisme opposé à tout et souvent anarchique, ses croyances mythiques millénaires et ses politiques inadaptées aux progrès de sa science nouvelle. Ainsi  les peuples avertis des calamités à venir pourraient se mobiliser en faisant l’effort volontaire pour entrer dans l’ère cosmique. Ceci implique également de préserver le Fonds ancien des diversités ethniques, en le conservant précieusement dans une mémoire sûre. L’esprit libéré de la pesanteur pourrait dominer de plus haut les choses terrestres. Et encore, il faudrait remettre le passé à sa place et débarrasser la pensée des scories amassées par la force de l’histoire, et qu’on veut pérenniser au nom de certaines idéologies. Les souffrances dans notre siècle sont si diverses et atteignent parfois des peuples entiers pour qu’on rajouta de surcroît  celles qui ne concernent plus les générations du moment et celles qui sont à venir. Si la guerre est dans le corps, l’esprit est malade, il s’engouffre dans des engins hérissés de canons, matériels nécessaires pour détruire la pensée de l’autre.

Tout au long d’une banale journée combien de temps demeurons-nous spirituels ? Avons-nous bien obturé tous nos sens pour neutraliser cette basse matière, et nous sommes-nous assez éloignés du matériel pervers ? La réalité est que notre spiritualité nichée au creux de notre conscience se manifeste en des moments privilégiés, car ordinairement la corde de notre pensée est tendue pour l’action dans une société d’humains. Tantôt seuls face à nos responsabilités, tantôt solidaires du groupe, nous œuvrons comme nous le devons, comme nous le pouvons, au niveau où nous nous situons et nous essayons, dans un temps imparti, d’accomplir notre tâche. Là encore l’esprit, le matériel et la matière ne peuvent être séparés et sont liés pour que l’être fonctionne harmonieusement. Nous n’avançons pas par fraction de notre corps et de notre entité dans l’existence. Quand nous entrons quelque part , nous déplaçons non seulement un volume d’air, mais nous marquons l’espace de notre présence physique et de tout ce que nous émanons d’immatériel ; et les autres perçoivent l’ensemble. Nous sommes forts ou faibles selon nos comportements.

Et quand vient l’heure du repos nocturne devenons-nous autres ? Je reste, à l’évidence, entièrement ce que je suis avec ce « nous » complexe, propre à tout être. Un pilote automatique prend le relais de ma volonté. Mes fonctions internes ralentissent, mon cerveau sauvegarde la majeure partie de mes acquisitions de tout ordre. Ma mémoire sélectionne, compresse, empile toutes les informations qui ont pu m’imprégner pour les rendre durables pour un certain temps ou pour le long terme de la vie. Mon  sac souvenir, comme une panse ruminante, s’enfle, prend des rondeurs et laisse parfois s’échapper, par un petit trou vite colmaté, un nom, une formule, une image, une situation avec des pans de paysage ; et le domaine de l’oubli les engloutit . Mes pensées n’étant plus contrôlées, les rêves installent leur décor. Qu’est-ce que les rêves ? Un vagabondage incohérent dans des lieux bizarres d’où l’on retire parfois quelque douceur au réveil, ou alors, l’horreur cauchemardesque d’un drame noir qui nous glace encore le cœur certain matin. Les soirs de fièvre où le même mot, la même image reviennent sans cesse et nous vrillent le cerveau en nous maintenant semi-éveillé ; la boucle récursive, sans fin. Trop plein de perceptions, d’idées, peut être déchets que nous devons impérativement évacuer, sous peine d’en perdre la raison.

Notre cerveau travaille sans relâche jour et nuit et s’applique à gérer notre existence en toute circonstance, à l’aide de nos sens si imparfaits. Pour promouvoir le spirituel, il faut, dans des moments de grâce, entrer dans le saint des saints de notre temple intérieur ; cet espace sacré de notre pensée que nous fermons parfois pour laisser passer le profane. Alors, l’œuvre commence dans le noir du creuset où notre pensée crée. Le sang oxygéné, rouge vif a brulé tout l’impur et lentement la matière s’illumine. Et, dans la blancheur de notre Conscience l’Esprit éclot.

Nous sommes fait de terre, d’air, d’eau et de feu, à l’identique de notre mère Nature, et comme elle nous vivons notre destin atomique entre le macrocosme et le microcosme. Nous sommes, certes ! un petit être, mais capable de découvrir, de comprendre et de réfléchir. Et, parfois, face à l’Univers notre œil reçoit  de l’Infini une pluie d’étoiles.