Textes

Un livre retrouvé

By 4 janvier 2021 janvier 27th, 2021 No Comments

A l’occasion d’un livre retrouvé dans la poussière d’une étagère ; je me devais de vous faire part de cette réflexion : où se situe l’esprit ? Dans l’œil ou dans la voix ? Est-ce simplement une interrogation ? devons-nous évoluer de point d’interrogation en point d’interrogation ?

Je ne voulais pas me présenter tout nu devant vous, ne serait-ce que par pudeur, au seuil de cette nouvelle page. Je ne dirais pas que Guénon m’a doté d’une égide me préservant de vos critiques, que je connais assez acides pour dissoudre en quelques secondes une personnalité mal établie, ou qu’un certain confort a ramollie de telle façon que le sexe ne fonctionne plus (voir notre ami Sigmund Freud).

Il me fallait me présenter vivant devant vous avec la réplique prompte et l’intelligence aiguisée comme un rasoir, prêt à vous couper la parole alors que le dialogue n’a jamais été établi.

Le savoir nous vient des autres ; de ceux qui nous ont appris à pénétrer l’invention intellectuelle pour trouver des motifs à vivre l’aventure humaine dans le ventre de l’imaginaire. L’écriture n’est qu’un jet d’encre plus ou moins long, plus ou moins puissant ; une jouissance ou une souffrance ; une miction ou une éjaculation cérébrale ; un accouchement de l’être, par sa tête qui s’ouvre comme une grenade mûre ; fruit, aux mille grains gorgés de son sang, donné en pâture aux bouches avides des autres.

Le passé habite les vieux livres, ceux qui n’ont pas été la proie des flammes ou broyés  par le pilon. Le livre resurgit toujours comme Mnémosyne triomphante de l’Oubli ; l’opus, l’opuscule, ces peaux cousues et jusqu’aux incunables qui annonçaient les éditions en nombre sont les sources qui ont abreuvé ceux qui avaient soif de savoir. J’ai les mains sales et j’ai tout juste essuyé le bout de mes doigts sur mon gilet pour ouvrir ce chef-d’œuvre qui a longtemps dormi allongé sur cette étagère. Oui je m’en souviens, j’avais lu et relu ce passage, le livre l’a gardé en mémoire et il s’est ouvert là où mes yeux s’étaient attardés. Il sommeillait, et, dans l’encre noire goudronneuse la pensée vivait doucement. Le papier a jauni comme ces antiques momies égyptiennes ; il faut le toucher avec précaution, le caresser et avoir la satisfaction que le papier est encore solide. Nous pouvons tourner la page !

Le livre n’est pas une tombe mais un recueil semé de graines-idées prêtes à germer. Un mot tout simple prend parfois une grande importance, parce qu’agencé de telle façon dans  une phrase, il explique le tout. Le livre s’anime et nous savons que le dénouement arrive à la minceur des dernières pages que nous retenons dans notre pince droite. Et, il finit par occuper une place énorme derrière nos yeux dans notre tête ; enfin nous devenons le complice de l’auteur et parfois de son héros.